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D'ECRISSURES EN ECRITISSAGES mars 2012

Dessiner l'écoulement du temps

Au lieu d'une vision à l'exclusion des autres, j'eusse voulu dessiner les moments qui bout à bout font la vie, donner à voir la phrase intérieure, la phrase sans mots, corde qui indéfiniment se déroule sinueuse, et, dans l'intime, accompagne tout ce qui se présente du dehors comme du dedans.
Je voulais dessiner la conscience d'exister et l'écoulement du temps. Comme on se tâte le pouls. Ou encore, en plus restreint, ce qui apparaît lorsque, le soir venu, repasse (en plus court et en sourdine) le film impressionné qui a subi le jour.
Dessin cinématique.
Je tenais au mien, certes Mais combien j'aurais eu plaisir à un tracé fait par d'autres que moi, à le parcourir comme une merveilleuse ficelle à noeuds et à secrets, où j'aurais eu leur vie à lire et tenu en main leur parcours.
Mon film à moi n'était guère plus qu'une ligne ou deux ou trois, faisant par-ci par là rencontre de quelques autres, faisant buisson ici, enlacement là, plus loin livrant bataille, se roulant en pelote ou - sentiments et monuments mêlés naturellement - se dressant, fierté, orgueil, ou château ou tour... qu'on pouvait voir, qu'il me semblait qu'on aurait dû voir, mais qu'à vrai dire presque personne ne voyait.

H.Michaux (L'espace du dedans)




Les lignes, les traits, les tâches ont absorbés les mots, point de syntaxe, de coordination afin de retrouver le geste initial qui précède l'écriture: inscrire une trace mentale sur une surface, la main suit le contour des images projetées par le cerveau. Le geste s'affranchit du poids des mots. Les mots en disent trop car ils en savent trop...
Plutôt s'attacher aux signes, à leurs déplacements dans l'espace, à leur succession dans le temps, leurs désirs, leurs sillages et suivre leurs enchaînements. Rien n'est fixe, rien n'est fixé, tout coule comme une rivière "le phrasé de la vie, souple, déformable, sinueux".
A l'écoute de cette agitation, des battements, des silences, à l'écoute du bruissement de l'outil sur le support, de la tension du poignet et du corps tout entier qui participe à l'acte: témoin de l'état intérieur, visualisation des rythmes qui le constitue.
"Dessin cinématique" l'humain est au centre, mais aussi tout ce qui gravite autour, l'animé et l'inanimé et leur hybridation, tout ce qui fait la vie, des visions plurielles qui se bousculent, s'agglutinent, en gamme, en torrent, en miettes, en absences, en perte d'équilibre et de forme, recherchant dans leur multiplicité le manque inhérent à chacune, significatif d'un déficit d'existence, un idéal jamais atteint.
C.D








ECRITURE DU SISMOGRAPHE




19/02/2012
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